Éric Dupond-Moretti

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Garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Éric Dupond-Moretti, né Éric Dupond le 20 avril 1961 à Maubeuge (Nord), est un avocat et homme politique français possédant également la nationalité italienne.

Avocat pénaliste pendant plus de trente-cinq ans, il est réputé pour le nombre d’acquittements qu’il a obtenus au cours de sa carrière.

En juillet 2020, il est nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice au sein du gouvernement Jean Castex, puis est reconduit à ce poste dans le gouvernement Élisabeth Borne en mai 2022.

Situation personnelle
Origines et formation
Né Éric Dupond, il est le fils unique de Jean-Pierre Dupond, ouvrier métallurgiste originaire de l’Avesnois, et d’Elena Moretti, femme de ménage d’origine italienne3. Il perd son père à l’âge de 4 ans, sa mère l’élève alors seule4. Il fait ses études secondaires au lycée catholique Notre-Dame, à Valenciennes, où il obtient son baccalauréat5.

Sa vocation d’avocat puise ses origines dans son histoire familiale6. Son grand-père maternel, immigré italien, est retrouvé mort en 1957 dans des conditions suspectes, le long d’une voie ferrée. Son oncle dépose une plainte sans qu’une enquête soit ouverte7. Ceci le décidera à choisir la voie du droit pénal. Dupond-Moretti dit : « Je pense que c’est à l’origine de cette vocation. Cela y participe à l’évidence4. » Comme plusieurs grands pénalistes orphelins de père (Robert Badinter, Georges Kiejman, Hervé Temime), son enfance est marquée par ce sentiment d’injustice8. Mais le véritable déclic a lieu à 15 ans en 1976 lorsqu’il entend à la radio l’annonce de l’exécution de Christian Ranucci9.

Dans son livre Directs du droit, il écrit être devenu avocat par « détestation de la peine de mort ». Il effectue plusieurs petits boulots pour financer ses études : fossoyeur, maçon, ouvrier à la chaîne, déchargeur de sacs de sable, serveur dans des boîtes de nuit ou serveur de restaurant, assistant d’éducation10.

À l’issue de ses études de droit, il est reçu à l’examen d’entrée à l’école d’avocats. Il est lauréat ex æquo de la Conférence du stage, le concours d’éloquence des avocats du barreau de Lille.

Vie personnelle
En 1991, il épouse Hélène, une ancienne jurée rencontrée lors d’un procès d’assises, avec qui il a deux enfants.

Divorcé, il partage sa vie depuis 2016 avec la chanteuse québécoise Isabelle Boulay11.

Passionné de chasse, il possède une ferme en Flandre française avec des chiens d’arrêt et des rapaces élevés pour la chasse au faucon12. Il est aussi passionné et défenseur de la corrida13,14,15.

En octobre 2020, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) dévoile les déclarations d’intérêts et de patrimoine des membres du gouvernement Jean Castex ; Éric Dupond-Moretti apparaît alors, bien qu’il soit endetté à la hauteur des trois quarts de la valeur vénale de son patrimoine immobilier, comme l’un des ministres les plus riches du gouvernement, avec notamment un patrimoine immobilier brut de plusieurs millions d’euros16,17,18.

Carrière d’avocat
Après avoir prêté serment comme avocat le 11 décembre 1984 à Douai, il s’inscrit au barreau de Lille12. Engagé dans un cabinet d’avocat de Lille après avoir vainement tenté d’intégrer plusieurs cabinets d’avocats réputés12, il commence sa carrière dans les prud’hommes, puis dans les commissions d’office avec pour mentors l’avocat lillois Jean Descamps et l’avocat toulousain Alain Furbury dont il porte aujourd’hui la robe19.

Lors de sa première affaire, des pièces qui lui sont destinées sont envoyées à un confrère nommé également Dupond, c’est alors qu’il décide d’adjoindre à son patronyme, à titre d’usage, le nom de sa mère (Moretti), lui rendant ainsi hommage20, puis prend officiellement ce nom en 201021.

Il obtient son premier acquittement le 27 mars 198712.

En 1993, il déclare être victime d’un « coup fourré » de la part du procureur José Thorel22 qui aurait tenté de le faire tomber dans un dossier de stupéfiants, des traces de cocaïne ayant été retrouvées dans sa berline. Il subit alors une perquisition et une garde à vue qui auraient pu mettre fin à sa carrière8,19.

En décembre 2008, il détient le record des acquittements obtenus sur le territoire français23. Pour ses résultats, il est surnommé « Acquittator » dans les prétoires24. Ses victoires lui valent aussi le surnom d’« Ogre du Nord »25. Son aversion à l’égard d’une certaine magistrature, « institution de faux-culs, petit monde de l’entre-soi et de l’irresponsabilité » et le rapport de force qu’il engage avec les magistrats lors des procès font que certains d’entre eux voient en lui un « terroriste des prétoires »26,27. En février 2020, il obtient son 145e acquittement28.

Selon ses propres dires, le surnom qu’on lui donne était initialement « Acquittador », en référence à sa passion pour la tauromachie et le rôle joué par le matador. Ce surnom fut repris en « Acquittator » transformant ainsi le « D » en « T », en référence cette fois à Terminator, par un journaliste présent au moment des faits lors d’une conférence à Marseille29, sobriquet qu’il n’apprécie pas30.

En 2016, il s’inscrit au barreau de Paris31 et fonde, en association avec l’avocat Antoine Vey, le cabinet Dupond-Moretti & Vey32. Vincent Hugeux de L’Express décrit en 2018 la situation paradoxale qui fait du « tonitruant défenseur des humbles, des sans-grades », l’avocat ou le conseiller de certains chefs d’État africains peu respectueux des règles démocratiques et des droits de l’homme33.

En juillet 2020, après sa nomination en tant que ministre de la Justice, il demande son omission du barreau34.

Affaires pénales
En 1990, il obtient l’acquittement de Jean-Pierre Deulin, accusé en 1987 du meurtre de sa femme, qui s’était en réalité suicidée.

En 1991, il est avec François La Phuong avocat de la défense de quatre militaires lors du procès des paras de Francazal pour le meurtre d’une jeune femme, de deux adolescentes et d’un garde-chasse. Les quatre accusés sont tous condamnés à la prison à perpétuité avec une période de sûreté de trente ans pour Philippe Siauve et Thierry El Borgi (les deux chefs), quinze ans pour Thierry Jaouen, et treize ans pour Franck Feuerstein.

En octobre 2001, il défend Omar Zemmiri lors du procès des membres du gang de Roubaix. Zemmiri est condamné à 28 ans de prison ferme35.

En juillet 2004, parmi ses acquittements, figure celui de la « boulangère » Roselyne Godard, lors du premier procès d’Outreau, devant la cour d’assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais), cette affaire le faisant accéder à une notoriété nationale36.

En février 2006, il obtient l’acquittement de Jean Castela, accusé d’être le commanditaire de l’assassinat du préfet Claude Érignac, condamné à trente ans de réclusion criminelle en première instance12.

En mai 2006, il parvient à obtenir en appel, l’acquittement de Michel Pinneteau. Celui-ci avait été préalablement condamné en 2004 à 30 ans de prison dans l’affaire dite « des corps sans têtes de l’Esteron »37. Il est en revanche condamné à trois ans de prison dans la même affaire pour « vols avec armes »38.

En 2010, il plaide pour Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme Suzanne Viguier : il obtient la confirmation de son acquittement lors du procès en appel devant la cour d’assises du Tarn, le 20 mars 201039.

En 2011, il assure la défense d’Yvan Colonna aux côtés de Gilles Simeoni, d’Antoine Sollacaro et de Pascal Garbarini40.

Le 24 juin 2011, il obtient l’acquittement de Loïc Sécher, qui a déjà passé neuf ans en prison, à la suite d’une condamnation pour viol à seize ans de prison. Dupond-Moretti plaide lors du procès en appel et affirme que cette affaire Sécher était un « fiasco dû à la dictature de l’émotion »41.

En février 2012, il assure la défense de Jacques Mariani, fils de Francis Mariani, chef présumé du gang de la Brise de mer42.

En juin 2012, il assure la défense d’Abdelkader Merah43, frère du terroriste Mohammed Merah. Celui-ci est accusé de complicité dans les attentats perpétrés par son frère ayant abouti à la mort de trois militaires, de trois enfants et d’un professeur en mars 2012 dans la région de Toulouse44. La manière dont il assure cette défense lui vaut une cinglante critique de la part de Bernard-Henri Lévy. Toutefois, son client est condamné, en appel, à trente ans de réclusion criminelle le 18 avril 2019 pour «association de malfaiteurs » et « complicité d’assassinats »45,46.

Lors du troisième procès du docteur Jean-Louis Muller, devant la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle, il obtient son acquittement, le 31 octobre 201347. Le docteur Muller, qui a toujours clamé que son épouse s’était suicidée à leur domicile d’Ingwiller, en 1999, avait précédemment été condamné à deux reprises pour « meurtre » à vingt ans de réclusion criminelle, d’abord en 2008, par la cour d’assises du Bas-Rhin, puis en 2010, en appel, par la cour d’assises du Haut-Rhin, l’arrêt de la cour d’appel ayant été cassé en 2011 par la Cour de cassation48,49.

En mars 2014, il fait partie des avocats qui défendent les intérêts des deux jeunes héritiers, ces hommes accusés d’avoir assassiné en décembre 2005 Dominique Aubry sur sa péniche francilienne. Les deux sont acquittés, puis après l’appel du Parquet rejugés en octobre 2015. Dupond-Moretti et ses confrères obtiennent une nouvelle fois leur acquittement lors de ce second procès50,51,52.

En 2016, il est l’avocat de Karim Benzema, poursuivi pour « sollicitation de prostituée mineure » ; celui-ci est relaxé.

La même année, il assure la défense en appel de Jo Baron, accusé de la destruction du portique écotaxe de Lanrodec, lors du mouvement des Bonnets rouges, qui sera relaxé53.

Le 31 octobre 2016, conseillé par le roi du Maroc Mohammed VI, il prend en main l’affaire du chanteur marocain Saad Lamjarred accusé d’agression sexuelle et de viol, les frais d’avocat sont pris en charge par le palais marocain54,55,56,57. Le 30 août 2018, et sans en donner les raisons, Éric Dupond-Moretti déclare qu’il ne représentera plus le chanteur après une deuxième plainte pour viol déposée à son encontre à Saint-Tropez58,59.

Le 6 février 2017, il annonce représenter la défense des intérêts de Théo, victime alléguée de viol par quatre policiers lors de son interpellation à Aulnay-sous-Bois, ainsi que ceux de sa famille60.

À partir de septembre 2017, il est l’avocat du député LREM M’jid El Guerrab, mis en examen pour avoir violemment frappé à coup de casque de moto Boris Faure, un cadre du Parti socialiste (deux mois d’ITT)61.

En 2018, il défend Wojciech Janowski, accusé de l’assassinat de sa belle-mère Hélène Pastor, une riche femme d’affaires monégasque. Son client est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

La même année, il obtient l’acquittement de Georges Tron dans le cadre d’une affaire de viols en réunion sur deux collaboratrices62.

En 2019, il est recruté par l’État pour défendre les policiers dans le procès visant Jean-Luc Mélenchon63.

En février 2020, il obtient l’acquittement partiel de Yassine Cheambi, condamné en première instance à vingt-cinq ans de réclusion pour assassinat, son client est condamné à huit ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs64.

Affaires politico-financières et de corruption
En 1993, lors de l’affaire VA-OM, il défend Jacques Glassmann65.

En 2009, il fait partie de l’équipe de cinq avocats chargés d’assurer la défense de Jérôme Kerviel66. C’est également lui qui devait assurer la défense de Jean-Pierre Treiber lors de son procès (prévu en avril 2010) avant le suicide de ce dernier le 20 février 2010.

En octobre 2012, il assure la défense de Nikola Karabatic reconnu coupable d’escroquerie en juillet 2015 et condamné à 10 000 euros d’amendes par le tribunal de Montpellier où il était jugé pour escroquerie dans l’affaire des paris suspects liés au match truqué de mai 2012 entre Cesson et Montpellier67.

En juin 2013, il assure la défense de Roland Cassone, figure du milieu marseillais dans l’affaire du cercle de jeux Concorde68.

L’ancien ministre Jérôme Cahuzac, client d’Éric Dupond-Moretti.
Le même mois, il assure la défense de Bernard Tapie et plus précisément des sociétés de son groupe dans le cadre de l’enquête sur l’arbitrage dans son conflit avec le Crédit lyonnais.

En février 2018, il est l’avocat en appel de Jérôme Cahuzac, ancien ministre délégué chargé du Budget auprès du ministre de l’Économie et des Finances de François Hollande, épinglé par le Parquet national financier et accusé de fraude fiscale. Suggérant d’aggraver sa peine en alourdissant la partie de sursis69 il lui permet d’écoper de quatre ans de prison dont deux ferme, contre trois ans ferme à son premier procès, ouvrant la voie à un aménagement possible qui lui permettra de ne pas aller derrière les barreaux mais de porter un bracelet électronique70.

En 2018, il a eu pour client Alexandre Djouhri dans le cadre de l’affaire Sarkozy-Kadhafi71, mais il a quitté sa défense par la suite72.

En 2019, il est l’avocat de Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret et de son épouse et première adjoint Isabelle, jugés dans l’affaire Balkany pour blanchiment de fraude fiscale au titre des impôts sur le revenu et la fortune et pour avoir constitué frauduleusement et dissimulé un important patrimoine immobilier en recourant à des sociétés étrangères, notamment sur l’île de Saint-Martin et au Maroc.

Affaires politiques

Le lanceur d’alerte Julian Assange.
Le 10 mai 2016, il assure la défense de Moïse Katumbi, opposant congolais, ex-gouverneur du Katanga et candidat à l’élection présidentielle, dans le cadre de l’enquête concernant le recrutement de mercenaires étrangers. Il sera mandaté après par le même Moïse Katumbi Chapwe pour déposer une plainte devant le Comité des droits de l’homme (Nations unies) afin d’y obtenir reconnaissance des droits civils et politiques de l’ex-gouverneur de la province du Katanga dans un contentieux l’opposant au gouvernement de son pays.

En 2020, il intègre l’équipe internationale de défense du lanceur d’alerte et fondateur de WikiLeaks Julian Assange73, à la suite de son arrestation à l’ambassade d’Équateur à Londres.

Engagement politique
Prises de position
Éric Dupond-Moretti préside le comité de soutien de Martine Aubry pour les élections municipales de 2008 à Lille74. Il signe également une tribune en sa faveur dans Libération avant les primaires socialistes de 201175. Il lui prédit alors : « vous serez réélue, la souveraineté populaire est raisonnable »76.

Il refuse la Légion d’honneur en 2013, tout comme il a refusé d’entrer en franc-maçonnerie, par désintérêt pour des cérémonials pesants[réf. souhaitée], affirmant : « Oui, je suis un homme libre. J’admets ma fierté d’être avocat, d’avoir refusé la Légion d’honneur et la franc-maçonnerie »25,77.

En mai 2015, Éric Dupond-Moretti se déclare partisan de l’interdiction du Front national, tout en précisant que « c’est compliqué car après, il y a reconstitution de ligue dissoute »78.

Le 15 avril 2018, il déclare sur LCI ne pas avoir les compétences d’un ministre de la Justice, et qu’il n’acceptera jamais ce poste.

En septembre 2019, il plaide pour les policiers présumés victimes de la réaction virulente de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches aux perquisitions effectuées à son domicile et au siège de La France insoumise en octobre 2018. Au moment de l’affaire, Jean-Luc Mélenchon fait allusion à de supposées proximités entre Éric Dupond-Moretti et le pouvoir présidentiel, en réponse de quoi l’avocat lui conseille de « prendre une camomille ou de l’homéopathie pour se calmer »79.

En octobre 2019, il signe avec 40 personnalités du monde du spectacle et de la culture, parmi lesquelles Denis Podalydès, Pierre Arditi, l’ex-ministre de la Culture Françoise Nyssen ou le journaliste Patrick de Carolis, un appel contre l’interdiction de la corrida aux mineurs que la députée Samantha Cazebonne voulait introduire dans une proposition de loi sur le bien-être animal80.

Le 20 février 2020, il se prononce contre l’utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux (une pratique souvent assimilée à une forme d’anonymat81). À ce sujet, il déclare : « Il faut interdire toute communication sur les réseaux sociaux qui ne serait pas signée. L’anonymat libère un tas de lâches qui peuvent dire toutes les conneries du monde »82,83.

Ministre de la Justice
Une nomination controversée
Le 6 juillet 2020, il est nommé garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement Jean Castex19. La nomination de cette « personnalité clivante » provoque « un très vif émoi dans la magistrature »84 et suscite l’opposition de l’Union syndicale des magistrats, qui y voit une « déclaration de guerre à la magistrature »85. Dans les jours qui suivent la proclamation du nouveau gouvernement, des militantes féministes manifestent contre la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur et contre la sienne à la Justice. Elles lui reprochent « un désintérêt et des attaques » contre les prises de paroles de femmes victimes de violences86.

Lors de la passation des pouvoirs, le 7 juillet, il promet de faire de son ministère « celui de l’antiracisme et des droits de l’homme »87. Sa première visite officielle a lieu le jour même à la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne88.

Il choisit comme directrice de cabinet Véronique Malbec, magistrate, jusqu’alors secrétaire générale du ministère de la Justice89. Selon La Lettre A, celle-ci « joue un rôle central dans la reconfiguration à tous les étages de la Chancellerie » et « a la main sur les nominations stratégiques dans les grandes directions et au sein de l’équipe d’Éric Dupond-Moretti »90. Alors que la magistrate Charlotte Bilger est remerciée seulement trois jours après sa nomination comme conseillère spéciale d’Éric Dupond-Moretti, Le Monde indique que son départ a été poussé par Véronique Malbec, « guère enthousiaste à l’idée d’accueillir une conseillère spéciale qui, comme c’est l’usage, ne rendrait compte qu’au ministre », et relève que celui-ci « n’a choisi aucun membre ou presque » de son cabinet. Par ailleurs, ce départ « vient nourrir la question d’une possible intervention politique », Charlotte Bilger ayant mis en examen, le 6 décembre 2019, le président du MoDem, François Bayrou, et plus d’une dizaine d’élus ou de cadres du parti pour « complicité de détournement de fonds publics » dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen91.

Le 7 juillet 2021, Mediapart révèle qu’Éric Dupond-Moretti a omis de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) plus de 300 000 euros de revenus92. À la suite d’un contrôle fiscal, « l’administration fiscale a reconnu la bonne foi d’Éric Dupond-Moretti et lui a accordé le bénéfice du droit à l’erreur » selon le ministère93.

Annonces et mesures portées
À ses débuts, il doit conduire le dossier relatif à la loi bioéthique visant à légaliser la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules ou les couples de femmes94.

En avril 2021, il présente un projet de loi visant à « restaurer la confiance dans la justice ». Plusieurs dispositions du texte sont critiquées par les magistrats, notamment la possibilité de diffuser des audiences au grand public ou la généralisation des cours criminelles départementales, sans jury populaire, afin de désengorger les cours d’assises. En tant qu’avocat, Éric Dupond-Moretti s’était opposé à cette dernière mesure95. Le mois suivant, il annonce un plan pour réduire les délais de jugement des affaires civiles avec notamment l’embauche de 1 000 assistants de justice et de renforts de greffe96.

À la suite de l’émoi suscité par la retenue de l’irresponsabilité du meurtrier de Sarah Halimi, il annonce le dépôt d’un projet de loi relatif à l’irresponsabilité pénale97.

Élections régionales de 2021 et reconduction dans le gouvernement Élisabeth Borne
Lors des élections régionales dans les Hauts-de-France, Éric Dupond-Moretti se présente comme tête de liste dans le Pas-de-Calais pour la majorité présidentielle (LREM-MoDem-TdP-Agir-MEI), qui est conduite au niveau régional par Laurent Pietraszewski98. Durant la campagne, il présente le Rassemblement national (RN) comme « un véritable danger pour la démocratie » qu’il convient de « virer » des Hauts-de-France99,100. Avec 9,1 % des suffrages exprimés, les listes de la majorité présidentielle sont éliminées au premier tour101 : dans le Pas-de-Calais, la liste d’Éric Dupond-Moretti obtient 8,7 %102.

En mai 2022, il est reconduit dans ses fonctions par Emmanuel Macron dans le nouveau gouvernement Élisabeth Borne. Il renonce à se présenter aux élections legislatives des 12 et 19 juin103. Alors que le scrutin voit l’entrée massive du RN au palais Bourbon avec 89 députés, il provoque la polémique en se disant prêt à « avancer ensemble » avec le RN en l’absence de majorité absolue pour le parti présidentiel104, poussant Stanislas Guerini à démentir tout pacte de gouvernement avec l’extrême droite105.

En juillet 2022, avec seulement 30 % d’opinion favorable, sa cote de popularité s’inscrit bien en dessous de celles de ses prédécesseurs après deux ans d’exercice, 73 % des sondés jugeant par ailleurs que la justice fonctionne mal106.

Accusations de « prise illégale d’intérêts » et mise en examen devant la CJR
Cette section est liée à une affaire judiciaire en cours (janvier 2021).
Le texte peut changer fréquemment, n’est peut-être pas à jour et peut manquer de recul. N’hésitez pas à participer à l’écriture de synthèse de manière neutre et objective, en citant vos sources. N’oubliez pas que, dans nombre de systèmes judiciaires, toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement et définitivement établie.
Le 1er juillet 2020, soit quelques jours avant la nomination d’Éric Dupond-Moretti, l’Inspection générale de la Justice (IGJ) est saisie par la garde des Sceaux Nicole Belloubet « aux fins de conduire une inspection de fonctionnement sur une enquête préliminaire traitée par le parquet national financier (PNF) de mars 2014 à décembre 2019 »107,108 à la suite des révélations du magazine Le Point concernant l’affaire Bismuth109 et l’affaire Fillon110,111 qui ont déclenché une pluie de critiques dans le monde politique et judiciaire112,113,114. À l’occasion de ces révélations, Éric Dupond-Moretti a découvert qu’il avait été placé sur écoute comme d’autres avocats par le PNF. Fin juin 2020, il dénonce alors « une clique de juges qui s’autorise tout »115 à propos des magistrats du PNF et annonce porter plainte pour atteinte à la vie privée116 dans ce qui devient l’« affaire des fadettes »117.

Dès sa nomination, Éric Dupond-Moretti se retrouve donc dans une position délicate puisqu’il doit recevoir le rapport de l’IGJ commandé par sa prédécesseure sur une affaire dans laquelle il est involontairement et indirectement impliqué. Il retire sa plainte contre le PNF mais l’enquête se poursuit et elle est finalement classée sans suite en « l’absence d’infractions » par le parquet de Nanterre118.

Selon Fabrice Arfi de Mediapart et Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, Éric Dupond-Moretti est dans une situation de conflits d’intérêts dans ses relations avec le PNF, auquel il est publiquement hostile depuis plusieurs années et sur lequel il a autorité :

il figure parmi plusieurs avocats parisiens visés par des actes d’enquêtes du PNF menés en marge de l’affaire Bismuth et révélés par Le Point ;
il est un ami de l’avocat Thierry Herzog, prévenu pour « corruption » avec Nicolas Sarkozy dans le procès de l’affaire Bismuth et cité dans l’un des volets de l’affaire Sarkozy-Kadhafi, dont le PNF est chargé119,120.
Le 15 septembre 2020, l’Inspection générale de la Justice rend à Éric Dupond-Moretti son rapport concernant l’affaire des fadettes en parallèle de l’affaire Bismuth. Les conclusions du rapport qui soulèvent une série de dysfonctionnements mais écartent des dysfonctionnements majeurs sont qualifiées de « mitigées » ou « nuancées »121,122,123.

Trois jours plus tard, le 18 septembre 2020, il demande une enquête administrative sur les trois magistrats du PNF (Patrice Amar, Lovisa-Ulrika Delaunay-Weiss, ainsi que leur responsable hiérarchique à l’époque des faits, Éliane Houlette) à l’origine de l’enquête l’ayant visé avec d’autres avocats124. Cette annonce suscite de vives réactions publiques des représentants syndicaux de la magistrature120 qui l’accusent de se venger125,126. L’ordre des avocats saisit peu après le tribunal judiciaire de Paris pour faire reconnaître une faute lourde de l’État mais sa requête est rejetée en novembre 2021127. Face aux critiques dans la magistrature et dans la presse, Éric Dupond-Moretti se déporte en octobre au profit du Premier ministre Jean Castex puis est officiellement écarté de l’enquête visant le PNF128,129. Néanmoins, le 17 décembre 2020 les deux principaux syndicats de magistrats l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature annoncent porter plainte contre Éric Dupond-Moretti pour prise illégale d’intérêts130,131.

Le 8 janvier 2021, le procureur général près la Cour de cassation, François Molins, annonce dans un communiqué qu’il va ouvrir une information judiciaire visant le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, pour de possibles « prise illégale d’intérêts ». Cette information judiciaire sera confiée à la commission d’instruction de la Cour de justice de la République (CJR), compétente pour instruire les affaires concernant les ministres dans l’exercice de leurs fonctions132 qui a jugé recevables les plaintes émises par Anticor et les syndicats de magistrats133,134,132. Les plaignants lui reprochent d’avoir ordonné des poursuites administratives contre trois magistrats du PNF ayant participé à une enquête préliminaire visant à identifier l’informateur de Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog dans le cadre de l’affaire Bismuth132,135. Les plaignants reprochent également au garde des Sceaux d’avoir ouvert trois semaines après sa nomination une seconde enquête administrative visant le juge anticorruption Édouard Levrault136, alors qu’Éric Dupond-Moretti avait publiquement mis en cause le magistrat quand il était lui-même avocat, et que l’un de ses clients avait porté plainte contre lui132,135. Le Conseil supérieur de la magistrature estimera finalement le 15 septembre 2022, qu’« aucun manquement à la discipline » ne peut être reproché à Édouard Levrault137.

Réagissant à cette procédure, le constitutionnaliste Olivier Beaud affirme : « M. Dupond-Moretti a hérité de cette affaire en arrivant à la chancellerie. Aurait-il dû démissionner parce qu’il en était l’une des victimes ? Sauf à considérer que les magistrats jouissent d’une impunité totale, il était de son devoir, au contraire, d’enquêter, de tirer au clair les raisons qui ont conduit des magistrats du PNF à faire cette enquête secrète138. ». Le 15 septembre 2022, le Conseil supérieur de la magistrature en blanchissant Édouard Levrault, « affirme par ailleurs qu’en ordonnant une enquête administrative contre le juge le garde des sceaux s’était trouvé dans une situation objective de conflit d’intérêts. »139

Par ailleurs, le 4 mai 2021, L’Obs révèle qu’il est intervenu pour tenter d’assouplir les conditions de détention des deux assassins du préfet Claude Érignac, dix ans après la condamnation d’Yvan Colonna, qu’il défendait alors en tant qu’avocat140.

Le 16 juillet 2021, il est mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » par la CJR. C’est la première fois qu’un garde des Sceaux en exercice se retrouve sous ce statut141. Il conserve son ministère malgré les promesses d’Emmanuel Macron de démission d’office d’un membre de son gouvernement en cas de mise en examen142. Sa requête soulevant l’« irrecevabilité des plaintes à l’origine de la saisine de la CJR » et « la partialité du procureur général près la Cour de cassation » est rejetée143. Un procès est requis par le ministère public de la CJR, la décision finale appartient à la commission d’instruction de la CJR144.

Le 3 octobre 2022, il est renvoyé en procès par la CJR145. Ses avocats Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la commission de l’instruction de la CJR146.

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